Posted by on 12 septembre 2021

L’actualité sur Beyrouth regorge de mauvaises nouvelles. Récemment, un de nos paroissiens, Roger, actuellement dans son deuxième foyer au Liban, a témoigné par mail sur le désastre qu’il constate chaque jour et désigne les responsables et les profiteurs. Roger, à titre personnel, vit bien et ne se plaint pas, mais ressent douloureusement le chaos de tout un peuple.

« À part le temps qui est au beau fixe tout se déglingue dans le pays des Cèdres. Comment vivre dans un pays qui est dirigé par une mafia composée de membres appartenant à toutes les communautés et partis. Cette mafia a complètement gangrené le pays et l’a totalement saccagé. On ne peut rien faire, rien dire mais seulement subir.
Le courant électrique est assuré, si l’on peut dire, deux à trois heures par jour et de façon aléatoire. Ce qui rend les appareils ménagers groggy. Sur ce, interviennent les groupes affiliés à la mafia qui fournissent du courant (en parallèle) à des prix prohibitifs. On est obligé de passer par eux pour assurer la conservation des denrées réfrigérées. Il n’y a qu’un fournisseur par quartier. L’internet, fourni par l’état, est de faible puissance et surtout assuré de façon fantaisiste. Ce qui arrive souvent, il y a du courant mais pas d’internet ou alors il y a de l’internet mais pas de courant. Les carburants sont distribués au compte-goutte et à la tête du client, selon son appartenance à tel ou tel parti ou communauté. Il y a d’immenses files de voitures stationnées devant les stations d’essence dans l’espoir d’avoir quelques litres de ce précieux liquide. Le diesel, réservé aux générateurs d’électricité parallèle, subit les lois du marché et de la convoitise du gérant qui peut augmenter les prix à sa guise ou assurer le service aux heures qui lui conviennent. Les hôpitaux, boulangeries, supermarchés se déclarent incapables d’assurer leur service (…).

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Ce qui nous amène à la terrible question des médicaments. Il n’y en a plus. D’où vient cette pénurie ? Les devises fortes manquent à l’appel : la banque centrale exigeant des importateurs, de fournir eux-mêmes les dollars ou euros avant d’ouvrir des accréditifs aux exportateurs. Ce qui fait que les devises fortes sont recherchées et donc plus chères de jour en jour. Ma pharmacie, n’ayant plus de médicaments, ouvre deux heures par jour et ses rayons sont désespérément vides. Elle se contente de vendre des shampoings et du savon. Ce qui a le plus perturbé la vie des Libanais c’est la chute de la valeur de la devise libanaise. Ainsi le dollar qui valait 1 500 livres libanaises est échangé aujourd’hui à 20 000 livres. Un peu comme l’inflation du mark allemand avant la 2ème guerre. On prédit que dans quelques semaines le dollar sera à plus de 50 000 (…).

Comment fait-on pour vivre au Liban ? On se débrouille ou on vivote tant bien que mal. Il y a pénurie de tout : pas de pain, pas de lait pour bébé, ni de couches-culottes. Pas d’importation de matières alimentaires ; on vit sur les stocks existants. Pas d’eau potable ; les pompes sont à l’arrêt faute de carburant. (..) Conséquence immédiate : les fruits et légumes sont de mauvaise qualité (…).
Ceci dit, on ne manque aucune fête religieuse comme, par exemple, la fête de l’élévation au ciel de la Ste Vierge. Congé officiel le lundi. Vient ensuite le lendemain une fête du nouvel an musulman que personne ne pratique mais que les chiites imposent. On vit dans le royaume d’Ubu et on ne sait plus comment s’en sortir.
La France a fait beaucoup mais on ne peut rien contre une mafia qui tient le pays. Incroyable le nombre de Libanais qui supplient la France de revenir gouverner le pays ! Mais autres temps autres moeurs… ».